Majd Mastoura, un nom à retenir. Slameur, acteur de théâtre et de cinéma, il a fait ses débuts dans «Bidoun 1 et 2» (2012-2014) de Jilani Saâdi, puis il a enchaîné dans «A peine j’ouvre les yeux» (2015) de Leila Bouzid, «Nehebek Hédi» (2016) de Mohamed Ben Attia (Prix d’interprétation masculine à la Berlinale), «Corps étranger» (2016) de Raja Amari, «Un divan à Tunis» (2019) de Manel Laâbidi et le dernier en date «Les Ordinaires» de Mohamed Ben Attia qui a participé dans plusieurs festivals, dont la Mostra de Venise (Italie), San Sebastian (Espagne) et le Fiff de Namur en Belgique où nous avons rencontré l’acteur pour cet entretien.
Est-ce la première fois que vous participez au Festival international du film francophone de Namur ?
J’ai déjà participé aux côtés de Mohamed Ben Attia en 2016 pour le film «Nhebek Hédi». C’était une belle expérience. Cette fois-ci, je représente le film «Les Ordinaires» seul.
Ben Attia a d’autres engagements.
Le prix d’interprétation à la Berlinale de Berlin a-t-il relancé votre carrière?
Non pas tout à fait. J’avais déjà tourné dans «Bidoun» de Jilani Saâdi. Evidemment, le prix que j’ai reçu pour «Nhebek Hédi» était une sorte de reconnaissance qui a boosté ma carrière.
Qu’est-ce qui vous a séduit chez le personnage de Rafik dans «Les Ordinaires» ?
Il y a une continuité avec le personnage de Hédi. Les deux ont en commun le fait qu’ils ne sont pas bien dans leur peau et veulent échapper à leur entourage. Hédi a suivi une voie plus douce tandis que Rafik est une autre version de Hédi, mais qui a pété un câble et est allé beaucoup plus loin dans la violence en défiant les lois de la nature et de la gravité.
Ce qui m’a intéressé c’est ce côté intuitif, un peu animal chez le personnage de Rafik qui fonce et sait ce qu’il fait. Ce n’est pas un spéculateur qui fait des plans pour kidnapper son fils et fuir sa famille. C’est juste un fonceur. C’est ce côté bestial du personnage qui m’a séduit dans le scénario.
Qui sont «Les Ordinaires» ?
Je pense que ce sont les proches. Rafik essaie de s’extraire de cet ordinaire et devenir un être extraordinaire. Toutefois, ce n’est pas un superman. Le pouvoir dont il dispose, il ne le maîtrise pas bien. Il est loin d’être un Spiderman où la dualité du bien et du mal constitue sa personnalité. Rafik a eu une sensation physique qu’il tente d’utiliser. On n’est pas dans le domaine du héros mais plutôt de l’anti-héros qui se fait du mal et sème le désordre là où il passe.
Quelle est l’idée derrière le fait qu’il emmène son fils avec lui dans les montagnes ?
Une envie de transmission et aussi une envie de lui montrer qu’un autre monde est possible.
Le personnage du berger est un peu énigmatique. Pourquoi abandonne-t-il son troupeau de moutons et décide de suivre Rafik ?
C’est dur de remplacer le réalisateur et de répondre à sa place. Au fait, Rafik a un pouvoir surnaturel. Une aura qui a fasciné le berger et l’a conduit à le suivre.
Comment a été filmée la scène où Rafik avec son fils dans les bras se jette du haut d’une colline ?
Avec une équipe de cascadeurs et un dispositif avec une grue et une structure où on était suspendu avec des cordes. Les cordes ont été supprimées lors de la post-production.
Vous avez tourné avec Jilani Saâdi, Mohamed Ben Attia et Kaouther Ben Henia. Quelle est la méthode de chacun de ces réalisateurs et laquelle préférez-vous ?
Je n’ai pas de préférence particulière entre ces trois réalisateurs. Il s’agit de trois mondes différents. Chacun a son style et sa manière de travailler. Avec Jilani Saâdi, j’ai passé une année à le voir et à discuter du film. J’ai eu le scénario quelques jours avant le tournage qui s’est déroulé avec une équipe réduite et peu de moyens. Jilani compte beaucoup sur l’improvisation.
Contrairement à Jilani Saâdi, Mohamed Ben Attia fait beaucoup de répétitions. On retravaille ensemble le scénario et on traduit les dialogues, qui sont écrits en français, en dialecte tunisien. Il y a des nuances de jeu auxquelles on tient compte.
Kaouther Ben Henia utilise un dispositif très particulier. «Les filles d’Olfa» est un film hybride. L’acteur est à la fois un personnage de fiction et en même temps l’acteur qui vit le tournage. Kaouther est la réalisatrice du film de même Olfa le personnage central, qui nous décrit les événements. Il y a deux niveaux de mise en scène. Ce qui représente pour moi quelque chose de nouveau. D’habitude, j’interprète les personnages écrits dans un scénario, mais dans ce cas de figure, j’ai eu à confronter des personnages réels.
Considérez-vous que «Les Ordinaires» est une étape importante dans votre carrière?
Oui. Il y a un plaisir à travailler avec un réalisateur après 7 ans. Chacun de nous est passé par d’autres expériences avant ces retrouvailles. Pour ma part, j’ai fait les choses à l’envers. Après quelques tournages, je me suis inscrit aux cours de l’école d’acteurs Jacques Lecoq à Paris (France). Dans «Nhebek Hédi», je n’étais pas constant. La constance fait gagner du temps et de l’argent. J’ai également appris à être efficace.
Quels sont vos futurs projets ?
Je suis en train de travailler au théâtre sur la pièce «Bérénice» de Jean Racine qui sera traduite en arabe littéraire et je suis sollicité aussi pour tourner dans des films tunisiens.